La christianisation de Clovis

Après avoir conquit le nord de la Gaule (chose qui prendra réellement plus de 10 ans) et assimilé la majorité des tribus franques via des assassinats, mais aussi et surtout des dévolutions familiales, Clovis, qui a consolidé sa frontière est en battant les thuringiens en 491 se tourne vers le royaume Burgonde. Ses ambitions contre les alamans et les wisigoths obligent Clovis à s’allier avec leur roi, Gondebaud et c’est son mariage avec la nièce de ce dernier en 492 ou 493 qui scellera ce pacte. Clotilde prend donc le chemin du royaume franc de Clovis et amène avec elle sa religion, le christianisme. Clovis, intime de Saint Remi et donc époux d’une catholique, reste pourtant réticent à se tourner vers ce dieu unique. Son premier fils avec la princesse burgonde, Ingomer meurt peu de temps après avoir été baptisé, son second, Clodomir passe lui aussi près de la mort.

Si l’enfant avait été voué à mes dieux, il vivrait encore; mais comme il a été baptisé au nom de votre Dieu, il n’a pas pu vivre

Clovis

Clovis ne semble donc pas prêt en cette fin de Ve siècle à renier la religion de ses aïeux, le paganisme. Pourtant la bataille de Tolbiac, en 496, devient un tournant majeur dans sa destinée.

Grégoire de Tours nous rapporte que lors de ce fameux combat, les francs en perdition, Clovis invoque Jésus Christ lui demandant l’aide pour vaincre. Un ange descend alors remettre ses nouvelles insignes royales à Clovis, les fleurs de Lys remplaçant alors les crapauds païens, symbole du roi. La mêlée confuse tourne alors en faveur du franc. Le roi alamans est tué et ses guerriers mis en fuite.

Jésus-Christ […] Je t’invoque donc, je désire croire en toi; seulement que j’échappe à mes ennemis

Grégoire de Tours
Couronnement de Clovis
Couronnement de Clovis

Sitôt la bataille fini et la victoire assurée, Clotilde, pria Saint Remi d’amener Dieu dans le coeur de Clovis. Le roi franc, après avoir fait accepté ce choix à son peuple, se fit baptiser avec 3000 de ses guerriers en la cathédrale de Reims par son ami l’évêque Remi. Nous étions le 25 décembre 496 à Reims.

De nouvelles études des divers sources nous étant parvenu semble pourtant remettre en partie en cause les écrits de Grégoire de Tours, pourtant aujourd’hui encore considérés comme fiables. Tout d’abord, il est à reconnaitre qu’il y a eu plusieurs batailles entre francs et alamans à Tolbiac (aujourd’hui Zulpich) mais aussi dans toute la région rhénane. Attaqué et lourdement défait, Sigebert ne pu alors pas participer à la riposte de Clovis. Mais rien ne vient confirmer que ce combat eu lieu à Tolbiac. De plus, une lettre de Saint Avit de Vienne, contemporain du roi franc, félicite Clovis cette même année pour son choix d’être baptisé sans faire allusion aux voeux fait par le roi et au miracle qui en suivi lors de la victoire de Tolbiac5. Etonnant pour un évêque mais certainement la preuve que l’anecdote a été imaginé bien après. Il en profite par contre pour appuyer une nouvelle fois sur la valeur de la foi en Dieu, lui qui officie au coeur du royaume burgonde arien.

Dam vobis eligitis, omnibus iudicatis; vestra fides nostra victoria est.

Avit de Vienne

En faisant votre choix, c’est pour tous que vous prononcez le jugement; votre foi est notre victoire.

Avit de Vienne (traduction)

Par ailleurs, cette lettre nous informe également que c’est Clovis qui a fait prévenir la nouvelle à Avit et qu’il l’informe même de la date du baptême, le 25 décembre sans pour autant que l’on trouve trace de l’année.Avit de Vienne

Igitur qui celeber est natalis domini, sit et vester: quo vos scilicet Christo, quo Christus ortus est mundo; in quo vos animam deo, vitam praesentibus, famam posteris consecrastis.

Avit de Vienne

Que ce jour soit votre anniversaire comme il est celui du Seigneur, le jour où vous êtes né au Christ, le jour où le Christ est né au monde, le jour où vous avez consacré votre âme à Dieu, votre vie aux hommes d’aujourd’hui, votre gloire à la postérité.

Avit de Vienne (traduction)

L’année du baptême est encore aujourd’hui longuement débattue. Longtemps ont la plaça en 496 mais de travaux récents on permis de voir quelle était certainement inexacte et qu’on ne pouvait pas à l’heure actuelle la définir parfaitement, mais l’intégrer dans une fourchette comprise entre 496 et 508.

Si l’on en croit une lettre rédigée vers 565 par Nizier de Trèves, près de 10 ans avant les écrits de Grégoire de Tours, le roi Clovis s’était engagé à être baptisé sans attendre lors d’une halte à St Martin de Tour surement en l’année 498 lors du retour d’une campagne contre les wisigoths. Or, il parait peut probable que Grégoire, évêque de Tours ait oublié tout de cet épisode pour le transposer à Reims. De même que la ville de Tours n’a été prise par les francs qu’en 507. La lettre de Nizier parlerait alors de 508 et de son retour triomphale lorsqu’il reçoit le titre de consul par l’empereur d’Orient, Anastase.

De la même manière, dans une lettre, que l’on estime datant de 506, Théodoric le Grand, roi d’Italie, félicite Clovis de sa victoire sur les alamans, transportant alors à 10 ans plus tard la bataille dite de Tolbiac et le baptême qui en suivi.

Memorabilis triumphus est Alamannum acerrimum sic expavisse, ut tibi eum cogas de vitae munere supplicare.

Théodoric le Grand

C’est un triomphe digne de mémoire que d’avoir ainsi terrifié l’intrépide Alaman, réduit par toi à implorer la faveur de vivre.

Théodoric le Grand (traduction)

Nous savons également qu’en 507, Sigebert, roi franc ripuaire aide Clovis, par l’envoi d’un contingent et de son fils Clodéric, a vaincre Alari II et ses wisigoths, possible « cadeaux » à la suite de la victoire de Tolbiac et de la sauvegarde du royaume ripuaire.

Pourtant, politiquement et militairement Clovis se devait de fédérer rapidement les peuples gallo-romains chrétiens s’il voulait vaincre le royaume wisigoth. Il est donc peu probable qu’il ait attendu aussi longtemps avant de précéder à son baptême et celui de ses guerriers. La date de 498 ou 499 est donc la plus susceptible d’être exacte.

Clovis, un symbole

La crise identitaire que traversait l’occident avait besoin d’un symbole fort. Clovis devint celui-ci. Alors que Childéric n’était qu’un roi païen ne combattant que pour étendre son pouvoir et son royaume, son fils Clovis fut le roi chrétien qui tenta de réunifier l’empire romain. Il devint de fait le premier roi chrétien de France et l’ascendant originel des futurs roi de France dont l’Eglise continua le sacre en la cathédrale de Reims.

Références :

5 – Le Baptême de Clovis, son écho à travers l’histoire par Michel Rouch