Alors que la France et l’Europe sont en plein moyen-âge, la région mésopotamienne arrive dans sa période renaissance. Après la chute des dernières civilisations antiques, trois fois millénaires, et plusieurs siècles de troubles, apparaissent les califats arabes qui redonnent prospérité à la région. Celui des abbassides et de son Calife Al Mansour créé, près de l’ancienne Babylone, leur capitale, Bagdad (Madinat al Salam, la cité de la paix), en 762.
La ville est construite selon un plan circulaire de 4 km de diamètre, elle est ceinturée d’un fossé de 20 m de large et d’un double rempart érigé grâce aux pierres tirées des ruines de l’ancienne Ctésiphon.
Fondation, essor et déclin de la ville
L’agglomération primitive fut aménagée sur la rive occidentale du fleuve. Le plan circulaire adopté imposa des divisions géométriques très simples. Au centre s’élevait la mosquée-cathédrale et le palais du calife, appelé la Porte d’Or. De là partaient, dans quatre directions, des avenues qui aboutissaient à des portes, dont les appellations montrent l’orientation: porte du Khurasan, porte de Syrie, porte de Kufa et porte de Bassora. A l’intérieur des remparts étaient logés les officiers de la cour et les bureaux administratifs. Tous les bâtiments étaient construits en briques, matériau habituel dans la région.
C’est sous le califat de Hàrùn al-rachid que va réellement commencer l’explosion intellectuelle et artistique de la ville. Malheureusement, la Ville Ronde disparait lors de la guerre de succession, en 812-813, entre le calife Amin, assiégé dans sa capitale, et les troupes de son frère Ma’mun, venues du Khurasan. Seule subsistera la mosquée-cathédrale. Dès ce moment, les califes songèrent à prendre leurs distances: les palais royaux s’élevèrent nombreux dans un vaste emplacement situé sur la rive orientale, immédiatement à l’est de la cité.
Ce terrain, qu’on appela bien vite la Résidence, fut, à la fin du XIe siècle, clos d’un rempart, percé d’un certain nombre de portes, et chaque calife eut le souci d’embellir cet espace: pavillons avec portiques à colonnes, entourés de jardins d’un aspect plaisant, pelouses, ruisseaux et pièces d’eau, parcs zoologiques et enceintes de chasse. En 836, la capital est transféré à Samarra. Les Abbassides exerçaient un pouvoir ambigüe qui allait être inlassablement contesté. Les révoltes furent d’ordre social et religieux. Vers 870, les Zandj (des esclaves noirs, amenés pour cultiver la canne à sucre dans les régions marécageuses) se soulèvent et menacent Bagdad. La fragilité du Califat est démontrée. Au 10e siècle, ce sont les Qarmates (installés le long du golfe Persique) qui fondent un Etat communautaire, pillent Bosra, prennent La Mecque et s’emparent de la pierre noire.
Le régime, afin d’assurer sa protection, constitue une garde de jeunes esclaves turcs. Cependant, celle-ci éloigne le Calife de la population et s’accapare le pouvoir. La dynastie abbasside n’est plus qu’une façade. Les émirs buyides (originaires de la Caspienne), puis les sultans seldjoukides contrôlent les leviers de l’autorité et en usent pour favoriser leur religion chiite, au nom du calife sunnite. Ils seront eux-mêmes balayés par les Mongols.
Les hordes du sultan mongol Hulagu bloquèrent la ville en janvier 1258 qui tomba au bout d’un mois. Le calife fut mis à mort le 10 février. La ville passa au rang d’un chef-lieu de province, et un officier mongol réussit à y fonder une dynastie. Des seigneurs mésopotamiens s’y installèrent, puis ce fut un nouveau sac de la ville par le turc Tamerlan.
La floraison intellectuelle de Bagdad
Située sur les rive du Tigre, la ville est le carrefour des routes entre l’Europe et l’Asie. Les échanges commerciaux et culturels vont participer en grande partie à son essor.
Les lettres sont les sciences préférées des califes. Sous le règne de Hàrùn al-Rachid sont écrit les contes des « Mille et une nuits » et de « Sinbad, le marin ». Son fils Al-Ma’mûn fonde Beït Al-Hikma, la maison de la sagesse, le premier grand centre de traduction et de réflexion arabes. Au XIIe siècle, la bibliothèque compte plus de 10000 ouvrages. De nombreux poètes et écrivains se succèderons à Bagdad.Parmi eux, Al Biruni, Al Mutanabbi, Al Maari, Jahiz, Ibn Qutayba et bien d’autres.
Cet amour des lettres et de l’écriture va ouvrir les portes de la calligraphie et de l’enluminure. Dés le IXe siècle, des fabriques de papiers sont créées, favorisant la multiplication et la diffusion des livres. Ce sont les ouvrages de médecine, de zoologie, d’astrologie qui dans un premier temps sont illustrés, tandis que l’usage d’enluminer le Coran se généralise. Avec Ibn Muqla, vizir de Bagdad et « prince des calligraphes », (mort en 940), la calligraphie devient une science des proportions et un art du geste, une géométrie et un envol. Les calligraphies deviennent des pièces recherchées et couteuses. Les calligraphes bénéficient du statut social le plus élevé parmi les artistes.
La recherche de la santé, du bien-être et de la pureté amène les hommes de savoir à fonder les premiers centres hospitaliers. Dont certains seront même réservés au traitement de la folie, chose unique à l’époque. Le plus grand médecin de Bagdad fut sans conteste Ibn Sinà (ou « Avicenne » 980-1037) qui commença à exercer à l’âge de 16 ans et à qui l’on doit les descriptions de la méningite, de la pleurésie, de ces recherches sur la psychologie et la psychiatrie, et plus de 100 ouvrages médicaux et philosophiques, dont le plus connu, son encyclopédie médicale, ne sera traduit pour la première fois en Europe qu’en 1473.
Les docteurs arabes développent ces savoirs en s’appuyant sur une conception logique des affections et une approche méthodique. Ainsi, ils inventorient et décrivent les symptômes, ils améliorent l’art du diagnostic et la pratique clinique et posent les règlements de la profession.
Les apports sont nombreux grâce à la diffusion des principes d’hygiène (asepsie et isolation des contagieux à une époque où, en Europe, on pensait que la lèpre et la peste se transmettaient par le regard) et par une abondante pharmacopée, alimentée par le commerce caravanier ou maritime. Plantes, drogues animales, extraits minéraux entrant dans la composition des emplâtres, onguents, cataplasmes, cachets.
Les domaines techniques ne sont pas non plus oublié. Sous le règne du Calife Al-Ma’mûn est érigé le premier observatoire permanent. Utilisé pour la sciences du ciel, il était particulièrement apprécié des astrologues et de leurs prédictions. Les mathématiques et la mécanique sont également étudiés. Les premiers automates complexes sont d’ailleurs conçu à cette époque à Bagdad.
Enfin, la plus grande science des arabes, qui n’est autre que la philosophie, fut mis en évidence à Bagdad dés la fondation de la ville. Malheureusement, en 1019, le calife al Qadir publie une profession de foi, l' »Épître de Qadir », par laquelle il interdit toute nouvelle interprétation du Coran. C’est un coup d’arrêt brutal au développement de l’esprit critique et aux innovations intellectuelles et scientifiques dans l’empire arabe.