Depuis l’aube de l’humanité les échanges économiques ont été de paire avec la civilisation humaine. Longtemps le troc fut, limitant la circulation des biens. Les première monnaies apparurent, coquillages pour certains, pierres ou sel pour d’autres, puis un jour, le métal bouleversa tous les systèmes. Dés lors, il ne semblait plus y avoir de limites au commerce, pourtant, si durant l’antiquité, les échanges foisonnèrent, il n’en fut plus de même durant le haut moyen âge.

La première contrainte que rencontra l’homme dans son désir de commercer fut l’isolement. Comment avoir des relations avec d’autres groupes s’ils sont trop loin et si l’on hésite sur leur lieu d’implantation ? Passé les soucis de transport, de location géographique, de bon voisinage, l’homme se mit, toujours difficilement, à échanger des denrées. Le troc fut alors l’unique moyen à sa disposition, malheureusement l’échange de bien dépendait aussi beaucoup des besoins de chaque groupe. C’est ainsi que l’homme du surmonter un nouveau problème, l’obligation pour toute transaction d’offrir le produit adéquate.

L’origine de la monnaie

Il semble que des instruments de paiement apparurent rapidement. Les groupes humains comprirent que des objets communs à tous devaient alors servir de monnaie d’échange. Se furent les outils, les bijoux et autres parures. Mais il restait un souci de taille, l’encombrement. Passé quelques pointes de flèches en obsidienne ou collier d’ambres, il parut vite difficile de s’encombre, en plus des produit à échanger, d’outils ou d’armes de plus en plus lourd. Cela amena alors à la création de véritables monnaies locales, coquillages, perles, pierres semi-précieuses, petits lingots de métal, etc… Bien sur ce type de système empêchait tout commerce avec des groupes ne pratiquant pas le même instrument monétaire mais le principe était lancé.

Il y a un peu plus de 3000 ans, en Chine, on abandonne doucement l’outil comme support de commerce pour les premières monnaies de métal1, on fond alors de petite pièce en forme de pelle, de bêches, etc… Mais les prémices de la monnaie moderne apparaissent vers le VIIe siècle avant notre ère dans le royaume de Lydie, celui du fameux Crésus, lorsque le roi lance la fabrication de pièce en électrum, un alliage d’or et d’argent2. Utilisé à l’origine pour les offrandes religieuses, la monnaie va vite devenir un moyen de payer services et biens matériel. Il faut cependant attendre l’apogée athénienne au Ve siècle avant JC pour voir se développer les véritables premières transactions à base de monnaies. L’inaltérabilité de l’or, sa rareté, son faible encombrement, sa reconnaissance par tous les peuples vont propulser la monnaie d’or, puis d’argent et de bronze comme moyen de paiement universel.

L’engouement et la main mise des grecs, puis de leurs successeurs, sur le monde méditerranéen sont tels que « l’argent sonnant et trébuchant » s’étend à toutes civilisations. Pourtant, la chute de l’empire romain entraine la disparition, presque totale, des échanges commerciaux en Europe occidental.

Monnaie mérovingienne - Neustrie
Monnaie mérovingienne – Neustrie

Déclin du commerce sous les mérovingiens

Depuis déjà un siècle, les administrateurs et fonctionnaires urbains se complaisent plus à vivre dans leur villae que dans les centre-villes. Bien évidement, ces riches demeurent attirent artisans et travailleurs, vidant peu à peu les cités de leur moelle économique3. Avec la chute de l’empire, l’administration des villes cesse totalement. Sans pouvoir centrale, sans trésor impériale, elles tombent en ruine, se vide, les « gallo-romains » retourne à la terre, les institutions religieuses rappellent leurs évêques. L’abandon des puissantes cités signe la disparition des voies commerciales importantes, des corporations de métiers, guildes et autres frairies. Les anciens officiers et hauts fonctionnaires romains, les proches et les « méritants » des premiers rois francs se taillent des domaines. C’est l’apparition de la féodalité dans son plus simple appareil avec son lot nuisance économique. Les déplacement se raréfient, l’autarcie devient le maitre mot. Dans un pays redevenu principalement agraire seules quelques rares transactions entre villages proches simulent encore ce que fut le commerce de distance. Et même si quelques grands seigneurs ou riches abbayes entretiennent des relations économiques avec leurs homologues éloignés, cela ne suffit pas à relancer un commerce écroulé. Néanmoins, il est a noter que quelques zones restent actives, ainsi, Marseille, le plus grand port de Francie, continue d’alimenter le continent en denrées de toutes sortes et en quantité :

Il était arrivé au port de Marseille des vaisseaux venus de par-delà les mers. Les gens de l’archidiacre Vigile dérobèrent, à l’insu de leur maître, soixante-dix vases, vulgairement nommés tonneaux, remplis d’huile et de graisse

Grégoire de Tours (Histoire des Francs – Livre IV)

Au milieu du VIe siècle, la « Peste de Justinien » va continuer le travail de sape. Touché de plein fouet, la population dans le royaume francs diminuera pour atteindre 5 millions d’individus, une baisse de 25% en à peine cent ans. La production agricole, et artisanale, déjà affaiblit va s’écrouler.

Et la peste survenant, il y eut dans tout le pays une telle mortalité sur le peuple, qu’il est impossible de compter les multitudes qui périrent.

Grégoire de Tours (Histoire des Francs – Livre IV)

C’est dans ce maelström social et économique que les Syri4, relativement bien implantés en occident, vont conduire ce qui reste de l’économie post-romaine à sa perte.

Les marchands Syriens, Égyptiens, Arméniens, Grecs et Juifs installent sans le vouloir un commerce unilatéral. L’occident, avide des produits de luxes orientaux, mais n’ayant aucun bien de consommation ou d’artisanat que les pays de l’Est ne disposent déjà, vont privilégier l’achat à l’échange. En quelques décennies, les Syri vont ainsi drainer l’intégralité des capitaux des nouveaux seigneurs francs vers l’orient. Ces importations excessives associées à la perte de contrôle des mines d’or de l’ancien empire romain5, empêchant l’entrée de métal précieux sur le territoire et la frappe de nouvelles monnaies, va vider les caisses du royaume et des seigneuries. Les Syri se détournent alors au début du VIIe siècle de ces populations sans pouvoir d’achat, remplacés rapidement par des marchants juifs, les Radhanites. Durant les deux siècles suivant, on se contente donc d’utiliser les anciennes monnaies antiques déjà frappées. Les pièces s’usent, s’abiment, leurs poids différent d’une à l’autre, le coté fiduciaire disparait. La monnaie perd son identité. L’économie européenne est au fond du gouffre.

Aussi étonnant que cela puisse paraitre, c’est de l’orient qu’un souffle de renouveau arrive sur l’économie occidentale.

Références :

1 – « Monnaies Chinoises – Tome 1 » par François Thierry
2 – « Histoire de la monnaie » par Jean-Marie Albertini, Véronique Lecomte-Collin et Bruno Collin
3 – « La société française au moyen âge » par Alain Derville
4 – « L’économie médiévale » par Guy Antonetti
5 – « Le problème de l’or au moyen âge » par Marc Bloch